Le Culliéran aime sortir du cadre

Michael Rochat a régalé les Ressats de la Flotte de sa cuisine spontanée et chaleureuse. Il n’hésite pas à bousculer les codes pour éviter la routine, comme il le fait dans son Ô Bistro de Lavaux.

Texte : David Moginier

«C’est la troisième fois que je cuisine pour les ressats et j’avais envie de le faire pour les derniers repas du Maisonneur dont je suis proche, Hans-Ruedi Gerber, qui quitte son poste.» Installé dans l’écrin lumineux de son restaurant de La Conversion, Michael Rochat dit les choses clairement, comme il le fait avec ses clients, jouant la franchise et la transparence. 

Cette belle auberge de Lavaux qu’avait fait connaître Jacky Vuillet – toujours propriétaire – a été un coup de cœur pour le Culliéran quand il a appris que Christophe Rod partait à Leysin après s’y être posé quelques années. «Je ne suis pas un citadin», rigole Rochat qui a quand même tenu pendant dix ans le Cinq, à Lausanne, au cinquième étage de la rue Centrale. Il faut croire qu’il aime les hauteurs, comme les lui offre ce Ô Bistro de Lavaux avec sa vue superbe, sa salle largement vitrée et son jardin terrasse où il fait bon traîner.

Dès les beaux jours, Michael et son chef cuisinier Alexandre Bouiniot y font chauffer leur barbecue Ofyr pour griller en direct viandes et poissons, devant les clients. Les lunettes de soleil et la crème solaire étaient indispensables avant qu’un petit couvert ne les abrite. «J’adore ce contact direct, cet échange avec des gens dont beaucoup sont des habitués qui venaient déjà du temps de Jacky.» 

«La cuisine, c’est se faire plaisir mais c’est aussi sortir des sentiers standardisés.»

Le chef travaille en équipe, celle-là même qui le suit depuis le Cinq. «On doit vraiment fonctionner en symbiose, avec Ivan Podin, le maître d’hôtel, et Samuel Christofel, le sommelier. A Noël, les trois ont reçu davantage de cadeaux que moi et cela m’a fait super plaisir de voir qu’ils étaient reconnus.»

Michael Rochat aime bousculer les genres. Chez lui, pas de menu écrit ni de carte. Selon ce qu’il reçoit le matin, les plats sont à l’inspiration du jour, annoncés ainsi par Yvan au client. «C’est nouveau en Suisse, on a dû un peu adapter le concept. Mais les gens nous font désormais confiance sans avoir besoin de voir le plat écrit.»

Pour les Ressats de la Flotte, le chef a aussi bousculé les traditions et il en rigole. «J’ai adoré proposer une première entrée végétale ou mettre un poisson en plat principal. Je crois que c’est une première pour le Guillon, non? La cuisine, c’est se faire plaisir mais c’est aussi sortir des sentiers standardisés.»

Biographie

Il a beau porter un nom de la vallée de Joux, Michael Rochat est né à Cully il y a quarante-quatre ans. Et c’est presque par hasard qu’il est tombé dans la cuisine, devenue une vraie passion, après un premier stage au Raisin d’Adolfo Blockbergen. Il trouve ensuite un apprentissage… à l’Hôtel de Ville de Crissier, excusez du peu, faisant la transition entre Girardet et Rochat. «C’était dur, mais aussi très cool. J’y ai appris la rigueur auprès d’une équipe qui avait à cœur de transmettre.»

Il enchaîne ensuite les bonnes maisons, de saison en saison, chez Roland Pierroz, au Gstaad Palace, en France, au Raisin de Cully, au Mirador. Avant que Jean-Marc Boutilly l’engage aux Trois-Couronnes, à Vevey. Le chef y fait venir son pote Théotime Bioret, avec qui il tient les fourneaux du palace pendant cinq ans. Puis ils reprennent ensemble le Cinq, à Lausanne, avant de se séparer. Michael Rochat succède ensuite à Christophe Rod à La Conversion en 2020. Il a deux jeunes enfants.

Ses adresses

Sans faire le tour de son carnet d’adresses, Michael Rochat cite :

  • La Boucherie Nardi, à Cully, avec qui il travaille énormément des viandes rassises soixante jours. «J’ai un très bon contact avec Ludovic Perroud.»
  • Comptoir by Planet, pour les produits de la mer. Laurent Isoux, après Gastromer, «a toujours des produits magnifiques».
  • Léguriviera, évidemment, incontournable pour tout ce qui est légumes.
  • La Ferme du Nord, à Ferlens, en culture bio, avec les œufs de Grégoire Jeauffre qui ont servi aux ressats.
  • Bernard Gorjat, à Villette, pour ses Chenalettes, «parce qu’on commence toujours par un chasselas».

Son plat signature

Le ris de veau croustillant et son jus acidulé. «Le ris de veau, c’est un plat que les chefs adorent, gourmand, et j’arrive à le faire manger même à des gens qui n’aiment pas les abats. Je ne prends que de la noix de ris de veau, le cœur de la pièce. Il faut qu’elle soit ultrafraîche pour éviter un goût un peu ammoniaqué qui vient après deux-trois jours. Je la cuis sept minutes dans le lait, puis je la colore bien dans une poêle à l’huile d’olive. Au dernier moment, une noisette de beurre, une petit râpée d’ail et c’est génial.»