Texte : Cécile Collet
Photos : Valentin Flauraud
Il faut ouvrir l’œil pour l’apercevoir. La Maison des Vins de La Côte, baptisée « Entre murs » par le bureau Archi-DT à Montreux, se fond si bien dans le paysage qu’on la distingue à peine. En revanche, quelle vue depuis là! « On ne nous voit pas depuis le lac, mais nous on voit tout! » résume Luc Pellet. Le vigneron de Mont-sur-Rolle est président de l’association qui porte le projet depuis 2011. Un serpent de mer qui a dû faire face à la frilosité de certains producteurs, voire même à leurs oppositions. Une maison des vins? Pourquoi faire? Alors qu’on peine à faire venir les gens dans nos caveaux! Le président balaie la critique : l’œnotourisme profite de la concurrence et du nombre. « Un lieu magique comme celui-ci dynamisera le secteur et bénéficiera à toute la branche », assure-t-il.
Allons donc voir ce lieu magique, inauguré le 6 novembre 2024. Pour le rejoindre, tout est possible. Un parking attend les automobilistes ou les tour-opérateurs, le car postal s’arrête juste à côté, il faut compter 5 minutes à vélo depuis le centre de Rolle ou un gros quart d’heure à pied depuis la gare. Sans être au centre du monde, la Maison des Vins de La Côte est au centre de l’appellation d’origine contrôlée (AOC), qui représente plus de la moitié (52,4%) du vignoble vaudois et qui compte 12 lieux de production.
Un bas-relief géographique accueille le visiteur à l’entrée et remet les villages à leur place, les nommant d’ouest en est : Nyon, Begnins, Luins, Vinzel, Bursinel, Coteau de Vincy, Tartegnin, Mont-sur-Rolle, Perroy, Féchy, Aubonne et Morges. Quelque 150 vigneronnes et vignerons se partagent ce territoire, selon l’AOC. Ils et elles sont 81 à avoir mordu à l’hameçon de « leur » maison et à avoir investi 2500 francs au départ. Chacun pouvait louer jusqu’à trois casiers et placer quatre vins. Au total, la carte affiche 206 références.
Comme le Lavaux Vinorama, à Rivaz, ou le Château de Villa, à Sierre, cette œnothèque régionale se veut une vitrine représentative de ce qui se fait là. Et quelle vitrine ! De grandes baies vitrées ouvrent au visiteur une vue à 180° sur le lac, du Valais à Genève, et le vignoble de Mont-sur-Rolle. Une terrasse en promontoire permet de jouir encore mieux du panorama, à côté des ceps de divico et de divona (deux cépages résistants qui ne nécessitent pas de traitements) plantés sur le toit. Dès le printemps, des balades didactiques dans ce vignoble sont prévues, avec apéro à la Maison des Vins à la fin. Difficile de faire davantage « circuit court ».
Parmi les 206 références disponibles à l’emporter, on trouve plus de 50 chasselas différents, évidemment. Mais aussi une quinzaine d’autres cépages blancs, de l’auxerrois au sémillon en passant par le divona. En rouge, pinot et gamay laissent aussi une place à d’autres, notamment à une vingtaine d’assemblages. Treize premiers grands crus (dont 11 chasselas), deux vins natures (altesse et gamaret) et quelques mousseux complètent l’assortiment. « L’encépagement à La Côte est assez hétéroclite, il comporte beaucoup de spécialités », raconte Nathalie Ravet.
La sommelière – la meilleure de Suisse en 2007 et 2015, selon Gault&Millau et Bilanz – est la « maîtresse de maison », comme elle aime à dire. Elle connaît bien la région, pour y vivre, mais aussi pour avoir travaillé durant vingt-deux ans en famille, à l’Ermitage des Ravet, à Vufflens-le-Château. Elle a peaufiné un catalogue de propositions, autour de vins dont elle connaît les spécificités. Par exemple, le forfait « Charme du Chasselas » comprend 3 vins dont un premier grand cru, « pour que les gens voient la différence », ou celui pour le « Connaisseur Éclairé » qui dégustera à l’once un mousseux, deux blancs, un rosé et deux rouges, histoire de ne plus avoir de lacunes.
A la Maison des Vins de La Côte, on pourra aussi déguster quelques vieux millésimes, onze vins au verre (1dl ou 0,5dl), qui changent toutes les deux semaines. Des ateliers de dégustation thématique sont programmés. Les vastes salles peuvent être louées pour un séminaire ou une manifestation. Et chaque deuxième dimanche du mois, un brunch se déroulera en présence d’un vigneron partenaire. Car la Maison des Vins de La Côte n’est pas une simple œnothèque, mais une vitrine gourmande pour tous les produits du terroir. Elle fait d’ailleurs partie du Projet de Développement Régional Agricole (PDRA) de l’Ouest vaudois, qui comprend 280 exploitations agricoles, et qui tisse un large réseau dont les points d’intérêts ne demandent qu’à travailler ensemble.
