« Carnotzet »: Come si dice in italiano?

Si le mot vaudois ne se traduit pas, il a désormais sa concrétisation à Lamone, près de Lugano, grâce au Préfet du Tessin Matteo Huber. Le "Carnotzet Ticino", premier local de dégustation de la Confrérie du Guillon hors du canton de Vaud, a été inauguré le 5 avril en présence d'Ignazio Cassis.

Texte : Cécile Collet
Photos : Romain Rochat

C’est le mot « harmonie » qui vient directement à l’esprit de Matteo Huber lorsqu’on le questionne sur son étrange idée: créer un carnotzet vaudois au Tessin. « A l’intérieur, en haut de quelques marches d’escalier, il y a un petit coin où j’ai installé un canapé et le vieux soufflet de forgeron appartenant à ma tante qui vivait à Saint-Prex, seul objet qui me relie directement au canton de Vaud, explique le préfet du Tessin. Alors si d’aventure on se chamaille un peu, il n’y a qu’à monter là, on peut tenir à deux ou trois, et c’est sûr, on en ressortira tous amis. C’est le coin de l’harmonie! »

Mais pourquoi donc se chamaillerait-on dans les deux caves voûtées du nouveau Carnotzet Ticino, inauguré dans la maison paroissiale de Lamone, près de Lugano, le 5 avril dernier? Le conseiller fédéral et compagnon d’honneur Ignazio Cassis, qui avait répondu présent à l’invitation de Matteo Huber, a livré quelques pistes dans son discours: « Levons nos verres à cette nouvelle maison du vin, qu’elle soit un lieu de rencontres, de rires, ou de débats enflammés sur qui a vraiment inventé la raclette (nous, évidemment!) » Les Valaisans de passage auront bien besoin d’aller s’asseoir un moment dans la coin de l’harmonie après pareil affront.

Eric Loup, Ignazio Cassis, Jean-François Thuillard, Norman Gobbi, Nicolas Joss et Matteo Huber au Carnotzet Ticino, photo Romain Rochat
Eric Loup, Ignazio Cassis, Jean-François Thuillard, Norman Gobbi, Nicolas Joss et Matteo Huber au Carnotzet Ticino, photo Romain Rochat

Mais si tout est prévu pour pouvoir aisément déguster une fondue dans le carnotzet – et trancher du jambon cru grâce à une rutilante Berkel H9 précise l’hôte -, c’est surtout de vin qu’il y est question. Quel vin? « N’importe lequel, pourvu que le vigneron soit confrère ou compagnon du Guillon », répond Matteo Huber, lui-même producteur (Tenuta Arca Rubra) dans le vignoble de Montagnola, en parallèle de sa profession d’architecte et urbaniste. Bien sûr, le vin vaudois trône en majesté dans la cave, qui propose plus de 80 références de vignerons vaudois membres de la confrérie. Pour l’instant, une douzaine de vins tessinois attendent aussi dans les casiers qu’on veuille bien les ouvrir. Le reste viendra plus tard, espère l’initiateur. Et pourquoi pas d’autres carnotzets hors les murs où serait transposé le « génie des lieux » garant de la convivialité de ces lieux vaudois de dégustation? Les producteurs propriétaires d’un sautoir issus du reste de la Suisse sont désormais avertis! 

Car il l’assène: « La Confrérie du Guillon a été fondée en 1954 pour louer les vins vaudois, mais en s’ouvrant à ses dix cotterds, elle s’est ouverte à la Suisse, et même à la Savoie, rappelle Matteo Huber. C’est une confrérie pour le vin, c’est tout! » Le gouverneur Eric Loup n’est pas allé jusque là dans son discours inaugural, mais, singeant un chef d’Etat bien en vue dont on taira le nom, il a brandi un décret signé de sa main énergique, qui dit: « En cet an de grâce 2025, le cinquième jour du mois d’avril, à Lamone, dans le canton du Tessin, je décrète que jusqu’à la fin du monde, il ne sera jamais pris de droits de douane ni sur les ventes de vins tessinois aux Vaudois, ni sur les ventes de vins vaudois aux Tessinois. » 

Quant à Ignazio Cassis, il a loué « l’union spirituelle et œnologique entre Vaud et Tessin. Une alliance si improbable que les tonneaux ont demandé conseil à la barrique. » Il s’est risqué à une description anthropomorphique: le chasselas serait « noble, élégant, léger… un vin qui sait murmurer » tandis que le merlot est « passionné, charpenté, parfois un peu têtu… comme les Tessinois ». On peut donc en déduire que le Vaudois a le chuchotement occasionnel.

Enfin, l’élu a applaudi des deux mains la création de ce carnotzet en terres tessinoises, qui permet enfin aux habitants du canton d’aller boire ailleurs! Soit dans un lieu neutre où il ne serait pas nécessaire « d’évoquer la grappa de l’oncle ou la fameuse vendange de 1997 qui ne reviendra jamais » et où il serait même possible de dire tout haut: « J’aime aussi le chasselas! » Sans révéler ses préférences à lui, Ignazio Cassis a conclu en rappelant que « le meilleur vin est toujours celui qu’on partage ». 

Egalement présents à l’inauguration, le conseiller d’Etat tessinois Norman Gobbi et les présidents du Grand Conseil Michelle Guerra (TI) et Jean-François Thuillard (VD) ont acquiescé. Avant d’aller tirer au guillon, grâce au tonneau installé à l’entrée du carnotzet, puis de trinquer en faisant tinter leurs petits verres vaudois, sous les enseignes rutilantes de Swiss Wine Vaud et Swiss Wine Ticino. 

Eric Loup, Matteo Huber et Ignazio Cassis au Carnotzet Ticino, photo Romain Rochat
Eric Loup, Matteo Huber et Ignazio Cassis au Carnotzet Ticino, photo Romain Rochat

Comment ça marche?

Le Carnotzet Ticino est un lieu ouvert à tous les membres de la Confrérie du Guillon, qu’ils soient sœur ou frère de robe, dame compagnon ou compagnon qui veulent y emmener leurs amis. D’une surface de quelque 80 m2 sur deux salles voûtées, il peut accueillir une vingtaine de personnes assises à l’intérieur, autour d’une grande table conviviale. Une salle plus grande existe au rez-de-chaussée de la maison de paroisse, tout comme une grande cour arborisée, et peut éventuellement être louée pour une plus grande manifestation.

Une centaine de vins, vaudois et tessinois, mais à terme peut-être aussi d’autres cantons suisses, sont rangés dans de jolis casiers aménagés dans une cave toute refaite par l’hôte des lieux. Les bouteilles sont disponibles au prix producteur. Un site internet dédié répertorie les vigneronnes et vignerons ainsi que les vins qu’ils et elles mettent à disposition. Une petite fiche présente également chaque domaine. Il suffit ensuite d’aller se servir à la cave et de payer sur place via Twint. 

Quatre grands caquelons à fondue, des verres et une cuisine semi-industrielle avec lave-vaisselle sont disponibles. « Et une Berkel H9 sur pied! » insiste Matteo Huber, fier de sa trancheuse rouge qui réduira n’importe quel prosciutto, salame ou coppa tessinois en fines rondelles.

Pour remplir sa vocation promotionnelle, le carnotzet affiche aussi une carte géante du vignoble vaudois et de ses AOC. « Il faut savoir d’où vient le vin qu’on boit », justifie Matteo Huber. Le wi-fi et du matériel multimédia permettent de diffuser une présentation lors de l’accueil de clients par exemple.

Afin de réserver un moment au carnotzet, il suffit de remplir le formulaire disponible sur le site (on y trouve aussi l’agenda du Cotterd du Tessin). Puis une clé électronique est activable par le biais du téléphone portable. Une petite location est perçue afin de couvrir les frais (rénovations et petit loyer mensuel).

Pour se rendre au Carnotzet Ticino, rien de plus simple: depuis Lugano, le train vous emmène à Lamone-Cadempino en 4 minutes; la via Girella 41 se trouve juste à côté de la gare. En voiture, cela vous prendra 15 minutes. Et si, arrivés devant le Centro parrocchiale, vous ne trouvez pas, cherchez l’emblème du Guillon fiché au-dessus des escaliers menant à la cave, c’est là!

Carnotzet Ticino, via Girella 41, Lamone. www.guillon-ticino.ch