Texte : Pierre Thomas
Photos : Julie Masson
Gérald et Fabien Vallélian, Domaine Les Faverges à Saint-Saphorin.
Aux Faverges, 2023 sera à marquer d’une pierre blanche. Gérald Vallélian y accomplira sa vingtième vendange. A 57 ans, le répondant de l’Etat de Fribourg a de multiples casquettes : syndic de Saint-Saphorin depuis douze ans, vice-président de Lavaux Patrimoine Mondial, où il représente les communes, et président du tout neuf «réseau écologique» de Lavaux, où les premières parcelles ont été enregistrées ce printemps.
Père et fils aux commandes
Bien mécanisé, le domaine de 15,5 hectares d’un seul tenant, a été entièrement repris à la fin 2020 par les Vallélian père et fils. Jusqu’à cette date, Gérald s’occupait de 6 ha de vignes, passées en bio dès 2014, et de la vinification, qu’il avait introduite sur place — y compris la mise en bouteille —, dès son engagement en 2004. La plus grande partie du domaine était, elle, cultivée par la famille Regamey, installée un siècle aux Faverges.
En 2017, Fabien, 34 ans, a rejoint son père. Le duo s’occupe à la fois des vignes, converties entièrement en «bio bourgeon», et de la cave, qui va aussi bénéficier de gros travaux de rénovation (lire ci-contre). «Fabien gère l’organisation du travail et l’équipe de sept équivalents plein temps. Les grands choix se prennent en commun et c’est le vieux singe qui rend les comptes au propriétaire», sourit Gérald, responsable de la gestion. Ce statut, «entre tâcheron et locataire», est renouvelé par période relativement courte : deux ans d’abord, puis trois ans, au moins jusqu’à la fin du gros chantier de rénovation, prévu pour 2026. «On a le projet d’une continuité», assurent père et fils.
Ils se répartissent aussi les vinifications : au père, le chasselas, soit les deux tiers de la production annuelle (sur un total de 130’000 bouteilles), et au fils, les quarante petits lots de rouges divers. De l’expérimentation, il y en a eu et il y en aura encore… En cave notamment, où Fabien, qui siège au comité de Bio-Vaud depuis quatre ans, se dit «un fan de vin nature», dont il est membre du comité de l’association suisse. Il en élabore quatre sous sa propre signature, dont deux vins orange. Aux Faverges, sous le nom de «Senza», deux essais sans intrant sont en cours, un chasselas et un divico-gamaret.
Des vignes… diversifiées
Le plus gros du travail s’est fait à la vigne. «Il est primordial de produire du bon raisin. On élabore aujourd’hui du bio qui tient la route !», commente Gérald. Le chemin a été long, d’abord en renonçant à désherber, puis en utilisant des plantes et des préparations, comme en biodynamie. Aux Faverges, «on travaille les sols, un rang sur deux, facilité par la mécanisation, sauf sur un hectare. Et on arrive à traiter tout le domaine nous-mêmes en une grosse matinée», explique Fabien. Y compris les «trois kilomètres de syrah». De la syrah au kilomètre ? Oui, parce qu’elle pousse contre les murs des terrasses…
Outre le merlot, le gamaret, le galotta et le divico, qui complètent le duo traditionnel de pinot-gamay (base de l’assemblage rouge classique des Faverges), depuis l’an passé, les premiers ceps d’albarinho de Galice espagnole et de rolle provençal, ont été plantés, en attendant le floréal, cépage résistant français. «On anticipe le réchauffement climatique», dit Fabien, qui s’appuie sur un solide parcours, ponctué par un BTS en viti-œno à Mâcon (France), et non à Changins, où son père s’était formé.
Vers plus de vente sur place
Particularité du domaine, les vins sont écoulés par une structure de l’Etat de Fribourg, pilotée à Grangeneuve. «On n’a pas le souci du marketing et de la de la vente des vins », commente Gérald. Cela va changer avec l’aménagement de nouvelles salles de séminaire et de dégustation, et un local de vente, avec un responsable (à engager). Et ça n’empêche pas le vigneron-syndic de décrire «son» chasselas : «On retrouve l’amertume positive du chasselas de Saint-Saphorin, plus marquée encore aux Faverges. C’est la patte de la maison, qui permet de garder de la fraîcheur. En 2003, le blanc affichait 13,1% d’alcool ; aujourd’hui, on est à 12 %. L’étape suivante, c’est de renoncer complètement à la chaptalisation (réd : l’ajout de sucre pour remonter le degré d’alcool à la fermentation). Cela nous obligera à cueillir des raisins à pleine maturité».